Zajal, opéra arabe

ZAJAL

opéra arabe

Fadia Tomb el-HageGabriel Yammine
Philippe NahonArs nova

l’empreinte digitaleEDVD732 – 3760002130194 -DVD

livret trilingue 100 pages en pdf
En téléchargement sur Qobuz
distribution Socadisc

Le zajal est une forme de poésie populaire et de joute oratoire méditerranéenne qui existe depuis la nuit des temps. Pour le compositeur libanais Zad Moultaka, c’est un souvenir qui remonte aux soirées perdues de son enfance où cette forme poétique partagée se pratiquait dans les villages, à la montagne, retransmis très souvent à la télévision nationale.
Dans cet univers où les poètes rivalisent, chacun soutenu par son clan, c’est le talent, l’imagination, la virtuosité des protagonistes et l’enthousiasme du public qui désignent les vainqueurs. 
A partir de cette tradition toujours vivante et du récit passionnant d’une de ces soirées particulièrement mémorable, Zad Moultaka tisse la trame d’un opéra où langue et langages s’entrelacent dans un étrange jeu dramatique. Le livret raconte l’histoire au début du XXe siècle de Chahrour el-Wadi jeune homme parti à l’aventure depuis quelques années et qui revient, masqué, défier son père, créant un échange délicieusement dynamique et virtuose. C’est un Zajal moderne que propose le compositeur qui interroge la mémoire collective et pose la question de la relation entre tradition et modernité, réflexion sur les racines populaires, en même temps que sur la possibilité d’une forme d’opéra arabe.
Accessible, drôle, nostalgique, poétique, il s’agit aussi d’un hommage vibrant et moderne à la tradition du zajal….
Cet hommage est particulièrement manifeste au cours du 2e acte dans lequel l’apparition et la disparition des visages et des voix de Zaghloul el Damour , Khalil Rouzouk, Zein Sh’eyb entre autres témoignent de façon poignante de l’admiration que porte le compositeur à ces merveilleux poètes.
Zad Moultaka, croit ainsi lire dans la tradition vivante du zajal, une combinaison de multiples modes d’expressions et notamment une forme rassemblant poésie, musique, improvisation, scénographie et écriture. A l’état d’intuition pendant des années, cette idée fut confirmée par la lecture d’une anthologie du zajal « Le diwan du Chahrour », publiée en 2000 par le fils du Charhour , Nabil el Feghali (éd.Joseph D. Raidy, 2000) Zad Moultaka utilise les textes en arabe dialectal dans leur richesse, leurs sonorités , leur rythmique interne, … C’est d’une façon toute acrobatique et virtuose que les deux protagonistes de l’opéra, l’extraordinaire comédien Gabriel Yammine et la sublime chanteuse Fadia Tomb el-Hage se livrent avec bonheur à cette joute et permettent la théâtralisation du zajal, lui donnent tout son sens dramatique et musical.

SYNOPSIS

L’histoire se passe au début du XXe siècle dans le petit village de Wadi Chahrour, dans la région de Baabda, riche en oliviers et en poètes et célèbre pour ses joutes oratoires. Le prêtre Louis el-Feghali, de son vrai nom Khalil Semaan, grand zajaliste reçoit un jour la visite d’un étrange personnage. Un jeune homme, le visage masqué, vient le défier. Le prêtre Louis, stupéfait par l’audace de l’étranger, accepte. Le village se rassemble, on dresse sur la grande place les tables pour la joute. Le public s’installe avec des verre d’arak et quelques mezzés. Les poètes montent sur une estrade. Dans un premier temps, le prêtre met le jeune homme à l’épreuve, lui donnant des contraintes rhétoriques de plus en plus ardues à assumer. Mais le jeune homme est virtuose, il s’en tire brillamment, et s’avère un grand parmi les grands. Il allie à la dextérité poétique une voix extraordinaire et force l’admiration générale. Nahfétak chahrouryyé (Tu galèges comme quelqu’un de Wadi Chahrour !!!) lui déclare le prêtre. Après un moment de repos la joute reprend, s’accentue, la tension monte, la foule est presque en transe. Le jeune homme va se découvrir. Il s’agit en vérité du fils du prêtre, parti il y a bien longtemps pour La Ville et disparu depuis. Assaad el-Khoury el-Féghali, obtiendra son « diplôme » de poète, et on répètera longtemps qu’il est celui qui a « ensorcelé les Arabes »…

Le zajal

De Zajila : chanter, fredonner, élever la voix, parler haut, jouer, s’amuser… et de Zajalon : qui désigne la poésie dialectale populaire mais aussi le jeu, la joie bruyante, le bruit, le vacarme… Le zajal est une forme de poésie populaire qui remonte à la nuit des temps, et en tout cas aux temps anté-islamiques. Tradition sociale et culturelle chez les bédouins des tribus de la péninsule arabe, au Liban il prend sa métrique dans l’ancienne langue syriaque, on lui attribue aussi une seconde naissance dans l’Andalousie du XIe siècle (on devrait son invention à Ibn Quzman, décédé en 1160 à Cordoue et surnommé le Prince du Zajal…). Forme de joute oratoire, poétique et musicale, issue peut-être de la tradition des mouwashas, elle s’est tournée vers les langues vernaculaires et s’est répandue dans tout le bassin méditerranéen. Elle ne survit de façon vivace aujourd’hui qu’en Egypte et au Liban.
Formes traditionnelles du zajal
Le « zajaliste » construit un quatrain, une forme rythmée. Il improvise, il répète sa phrase pour se donner le temps de construire la suite ; il y a ici une stricte soumission à des codes tacites qui fait monter la tension. Les auditeurs attendent la suite… et la chute : l’énonciation du défi. Lorsqu’il a fini, les percussionnistes (req, cymbalettes, bendirs) vont reprendre sa dernière phrase, sous une forme ici aussi très codée, transcrite. C’est la clôture de la parole du premier zajal. Le second poète prend alors la parole, et ainsi de suite… La prise de parole se fait toujours dans ces trois mouvements : matla ( envoi), dawr (tour), qufl (fermeture). Les thèmes sont simples, traitent des événements politiques ou historiques de la montagne, exhortent pour attaquer un ennemi, s’enivrent d’une victoire… Où il est question aussi de la joie amoureuse, de la peine, du deuil, des soucis de la vie quotidienne…


Le zajal opéra

Zad Moultaka, installé à Paris depuis le milieu des années 80, a emprunté le chemin de l’écriture musicale. Il tend toutes ses réflexions, voire ses obsessions, vers un lieu de rencontre, ou une synthèse improbables. Profondément enraciné dans le monde arabe et la culture occidentale, il cherche dans cette formule du zajal, si conviviale, si populaire (et si cultivée), une matière à explorer sur le plan de la forme et de l’écriture. Une forme opératique
Il croit lire dans la tradition vivante du zajal, une combinaison de multiples modes d’expressions et notamment une forme très archaïque de l’opéra rassemblant poésie, musique, improvisation, scénographie et écriture. Il y trouve également l’écho de diverses préoccupations contemporaines, que ce soit dans le rapport au texte – chez Berio, Aperghis, Leroux, Nono… -, que dans les formes musicales populaires actuelles telles que le rap ou le slam…
A l’état d’intuition pendant des années, cette idée fut confirmée par la lecture d’une anthologie du zajal, publiée en 2000. Les textes en arabe dialectal y sont élaborés par rapport à leur sonorité, à la dynamique et à la rythmique de la langue, par l’agencement des mots, les audaces syntaxiques, les choix lexicaux, les césures… Ces jeux n’occultent pas pour autant le sens. Il y a une manière toute acrobatique de composer et d’énoncer les poèmes, où la théâtralisation prend tout son sens dramatique et musical. D’où le projet de Zad Moultaka d’enrichir sa réflexion sur les langages, de travailler à partir de cette forme spécifique au caractère si puissant, d’explorer jusqu’où il est possible de l’amener à une expression contemporaine, tout en gardant la substance, le goût de la langue, l’ambiance, le dramaturgie primitive.


Opéra en 3 actes

• Le premier acte (20’)
Un personnage, le père, est à l’écran, face au public et ne le quitte jamais. Il attaque. La chanteuse et ses musiciens, figurant l’étranger et les villageois, lui répondent. C’est lui qui relance l’action dramaturgique. On le voit assis, fumant une cigarette, dans une attitude de provocation et d’indifférence. Présent et absent. Un effet de distanciation. A la fin de l’acte, le prêtre déclare une trêve car les poètes sont fatigués.

• Le deuxième acte (12’) laisse la place à une autre forme de lutte : des images surgissent, faites d’archives et de détails – percussions, mailloches, frottements – mais elles sont muettes. Comme si on était dans un espace double de mémoires ancienne et nouvelle. Comme un contrepoint hétérophonique entre passé et présent, réalités sonores et images sourdes. La polyrythmie de l’image répond à la polyrythmie sonore des musiciens. Travail sur la texture profonde du zajal. Mise en abîme entre différentes strates du passé combinées à la puissance onirique du réel. Le sommeil du village, comme un rêve collectif…

• Au dernier acte (25’), l’histoire reprend sur la place de Wadi Chahrour. C’est l’acte du dévoilement et de la reconnaissance du fils. L’image sur l’écran a disparu. La présence du père est signifiée par l’électroacoustique et les hauts parleurs. La joute prend une allure de fête hilarante et hypnotique. On est plongé dans l’ambiance folle du village. Alors que la nuit est tombée, on entre imperceptiblement dans le simulacre…
A noter une impertinence du compositeur : dans les cultures arabes et islamiques, les rôles féminins sont souvent confiés à des hommes. Ici le compositeur bouscule la norme et prend le parti de l’inversion. C’est une femme à la voix grave, profonde et limpide à la fois, qui incarnera le génial Chahrour, dont on dit que la voix était enchanteresse… De la même façon, le parti pris scénique d’« absenter » le père, de le faire exister sur un écran ou à travers une bande son est aussi un retournement qui permet au Charhour de jouter à découvert. Ici on montre ce qui est caché et on masque ce qui devrait être manifeste.


Perspectives

Cette dramatisation peut supporter plusieurs lectures :

• intérêt historique et patrimonial du zajal, le beau temps des poètes ;

• intérêt littéraire : la puissance d’évocation de la poésie populaire dialectale, l’art de la métrique arabe ;

• intérêt musical – une réflexion sur la forme opératique au début du XXIe siècle…

• Mais aussi une lecture affective et amusante, nostalgie d’un temps révolu que chacun porte dans la mémoire de ses ancêtres (car toutes les traditions populaires ont un « air de famille ») – histoire d’un âge d’or ;

• en même temps qu’une réflexion sur le mécanisme oedipien, sur les archétypes et leur expression contemporaine où survit, vive, la mémoire de tous les passés.

• Plus profondément encore c’est le sens du Tragique qui est exploré sans concession ni sensiblerie, dans la lumière d’une oeuvre solaire.

Anaclase.com
« Zajal « , opéra de Zad Moultaka

Pour son nouvel opéra, Zad Moultaka continue d’exploiter le filon du métissage oriento-occidental – un métissage dont il a déjà maintes fois prouvé la richesse. Le voilà donc, avec l’ensemble Ars Nova et sa collaboratrice de longue date, la contralto Fadia Tome el-Hage, mêlant un genre occidental de représentation musicale et scénique – l’opéra – et une forme de poésie populaire traditionnel, encore notablement vivace en Egypte et au Liban – le Zajal, qui a donné son titre à l’ouvrage.

Le rideau se lève donc au premier acte sur une (suggestion de) compétition de Zajal. Un étranger – nécessairement masqué, nous sommes à l’opéra, après tout – arrive sur la place du village et lance un défi à l’un des sages, incarné par le comédien Gabriel Yammine (figure monumentale du pouvoir, projetée sur un grand écran occupant toute l’ouverture de scène), qui prési-de de loin la séance. Commence alors une série haletante d’exercices poétiques déclamatoires à la complexité et la délicatesse croissantes, qui se terminera en joute verbale tourbillonnante.
Après un deuxième acte plus calme, durant lequel les lutteurs se reposent et le village sombre dans un demi-sommeil, la scène plongeant quant à elle, dans un onirisme qui résonne encore dans le silence des accents Zajal, le combat reprend de plus belle.
Le tour de force de Zad Moultaka est d’utiliser le Zajal non seulement comme source d’inspiration, mais aussi comme générateur formel et véhi-cule de l’intrigue. Car l’étranger donne dans chacune de ses tirades des indices quant à son identité, jusqu’à la révéler enfin, dans un geste on ne peut plus théâtral, le compositeur réunissant là mythes (Œdipe en tête) et figures archétypales de l’art occidental (le retour du fils prodigue).
Si, par son statisme, notamment, dans les deuxième et troisième actes, la dimension scénique de l’ouvrage peut décevoir, la musique, elle, ne manque pas de saveur, parfaitement défendue par Ars Nova sous la direction de Philippe Nahon. Lorgnant vers le théâtre musical et les sonorités décalées de Kagel, elle suggère l’entêtant des vocalisations typiques du Zajal, tout en gardant une distance lucide pour mieux porter la dramaturgie.
Jérémie Szpirglas


Le Devoir (Montréal)

Zajal de Zad Moultaka 
L’opéra du village 
par Yves Bernard

Zad Moultaka, fascinant compositeur qui renverse les codes de la musique savante, universelle, réinvente dans Zajal le langage de l’opéra occidental en s’inspirant de l’une des formes les plus anciennes de joute oratoire improvisée des villages du Levant. Chantée par Fadia Tomb el-Hage et récitée par l’acteur Gabriel Yaminne en arabe dialectal libanais, l’œuvre sera propulsée par les vents et les percussions de l’ensemble Ars Nova demain soir au théâtre Maisonneuve.
Le terme zajal vient des mots zajila qui signifie chanter, jouer, parler haut, et zajalon qui désigne la poésie populaire mais aussi la joie bruyante. Le zajal en tant qu’art populaire est de même souche que celle des Fabulous Troubadours occitans. Pour quelle raison Zad MoultaKa s’en est-il inspiré pour écrire un opéra ? « Parce que cette forme culturelle a accompagné ma jeunesse à la télévision et parce qu’on l’a toujours un peu dénigrée en la considérant comme un art mineur. Pourtant plusieurs poètes savent la grandeur de sa poésie. Et c’est aussi une forme première de théâtralité. 
Qui a-t·il d’arabe dans cette œuvre opératique ? La source, l’imaginaire, la langue, ses métriques et ses rythmiques. Le zajal comprend un seul rythme : tac·tacatac·tacatac. Je suis parti de cette forme rudimentaire en allant vers des variations et des déconstructions. En plus, j’utilise beaucoup de micro-intervalles, des modes et quelques bribes de mélodies. 
Pour la composition de Zajal, Zad Moultaka a retranscrit une célèbre joute de 1909. Un jeune étranger, masqué arrive au village, défie un grand zajaliste et lui donne du fil à retordre. Il est son fils. Dans la pièce, son rôle est interprété par une femme, Fadia Tomb el-Hage, une grande dame au chant très pur, assez tendu, au peu de vibrato. Un geste de transgression, tout comme le traitement que Moultaka réserve aux percussions et aux vents de l’ensemble Ats Nova. « J’avais envie. de me retrouver dans une fanfare, relate-t-il. Avant de se rappeler la : fête au village…


11 novembre 2010


RFI
Culture Vive 25 novembre 2010

Au sujet du DVD Zajal de Zad, le spectacle est émouvant dans ce mélange de Zajal et de musique contemporaine et cette version Live délicieuse !!!

Extrait dans Culture Vive de 9h10 à 10h et rediffusé de 16h10 à 17h, le 25 novembre 2010. Muriel Maalouf


L’Education Musicale

Zad MOULTAKA : Zajal (« Le défi »), opéra arabe en 3 actes (pour chanteuse, comédien, ensemble d’harmonie, percussionniste, dispositif électronique & vidéo). Ensemble Ars Nova, dir. Philippe Nahon. L’Empreinte digitale (http://e.digitale.free.fr) : EDVD 732. Distr. Abeille Musique. S’inspirant d’une authentique soirée de zajal (Liban, 1909), le livret relate un épisode de la vie d’Assaad Khoury el-Feghali (1894-1937), surnommé « le merle de la vallée » qui, tout au long d’une fascinante joute poétique, affronta et vainquit le grand zajaliste Khalil Semaan – ce dernier se découvrant être, au terme de la confrontation, le propre père du jeune Assaad. C’est la merveilleuse contralto Fadia Tomb el-Hage qui tient le rôle du jeune poète, et le comédien Gabriel Yammine celui du vieux jouteur. Admirable musicalité des poèmes en arabe dialectal (sous-titrage remarquablement adapté et expressif). La partition (aux chromatismes parfois infiltrés de micro-intervalles) ne laisse pas d’évoquer Kurt Weill et Stravinski. Très imaginative régie (captation lors de la création mondiale, à Poitiers, les 22 et 23 avril 2010). Une très heureuse surprise !
L’Education musicale N°44 décembre 2010


La révélation du « Zajal » inouï de Zad Moultaka
LE MONDE | 18.09.2010 à 14h19 • Mis à jour le 18.09.2010 à 14h30 | Par Marie-Aude Roux – Beyrouth Envoyée spéciale

La Manufacture des Œillets, à Ivry-sur-Seine, saura-t-elle recréer la magie qui nous est restée de ce Zajal, opéra arabe du compositeur libanais Zad Moultaka, vu et entendu lors du Printemps de Beyrouth, organisé par la Fondation Samir-Kassir (Le Monde du 15 juin) ? C’était le 8 juin en plein air, dans les thermes romains du quartier du Grand Sérail. Un public massé sur les gradins, quelques curieux au pied des façades d’immeubles vides, une poignée de soldats. Mais les verres -d’arak qui circulaient, la tombée du soir, les vols des martinets, la fragilité du décor – une table, un simple écran de projection livré au vent – avaient contribué à rendre l’instant inoubliable.
Les musiciens de l’ensemble Ars Nova s’étaient installés autour de la grande table blanche, partitions rivées aux pupitres par des pinces à linge. C’est alors que l’histoire avait commencé. Une histoire liée à la tradition du zajal libanais, cette forme ancestrale de joute oratoire, poétique et musicale. « Nous avons l’habitude de lancer des injures, de donner des coups, de broyer des crânes (…). Je défie tout à la ronde les poètes qui oseront se mesurer à moi ! » La silhouette massive projetée en contre-plongée sur grand écran, la voix truculente qui reprend son souffle entre deux bouffées de cigarette est celle du célèbre acteur libanais Gabriel Yammine. Il incarne crânement le vieux jouteur Khalil Semaan, qu’un jeune inconnu masqué fraîchement débarqué est venu défier.
Le compositeur s’était juré d’aller écouter du zajal dans l’un de ces villages de montagne où il se pratique encore. « Mais, à chaque fois, il s’agissait d’un zajal contre Israël, ou pro-Syriens, alors je me suis abstenu », raconte Zad Moultaka. Il a finalement choisi cette joute célèbre de 1909, relatée sous le titre Al Kanz al khafi (« le trésor caché ») dans un recueil intitulé Diwan de Chahrour. Pugnace, élégant, virtuose, l’inconnu forcera l’admiration en se jouant des pièges tendus par le vieux maître et remporte le surnom de Chahrour el-Wadi (« le merle de la vallée »). L’intrépide n’est autre qu’Assaad El-Khoury El-Féghali, fils prodigue – et prodige – du vieux poète défait.
En face du père à l’écran, le jeune homme est ici incarné vocalement par la chanteuse libanaise Fadia Tomb El-Hage, d’un abattage impressionnant, que ce soit dans l’attitude de prince guerrier ou l’endurance du chant. La partition dévolue à l’ensemble Ars Nova (ici composé d’instruments à vent et de percussions), doublée d’un dispositif électronique, semble naître de la langue elle-même, mimétique des tournures prosodiques et scansions rythmiques.
La partie centrale, soudain, calmera le jeu. C’est la partie la plus intimiste. Les protagonistes ont été mis « hors de combat ». Ne demeurent sur scène que les musiciens dos au public dans une semi-obscurité, dialoguant avec une vidéo muette. Cette fois, il s’agit d’une vraie séance de zajal, avec son rituel cérémoniel (mets, boisson et convives) et ses percussions (req, cymbalettes, bendirs). On voit sans les entendre des zajalistes célèbres – Zaghloul El Damour, Khalil Rouzouk, Zein Sh’eyb… mais la bande-son est celle d’une musique onirique, aux sonorités résolument contemporaines.
Troisième et dernière partie : le combat reprend, mise à l’épreuve qui permet de cerner la technique poétique du zajal – lyrisme, rhétorique, éloquence. Musique des mots et des sons s’entrelacent, rythmée par la prosodie de l’arabe dialectal dit par le comédien devenu invisible, scandé et chanté par la chanteuse, ponctué par l’instrumentarium sous la direction de Philippe Nahon.
Avec Zajal, Zad Moultaka dit avoir tenté d’en finir avec le fantasme de l’opéra. Il y est parvenu. Zajal est une oeuvre en soi, inouïe au sens propre, dont l’énergie bouleverse et submerge. A-t-il aussi tenté d’en finir avec le fantasme de la destruction, lui qui se définit comme un « enfant de la guerre » ?
Moultaka a en tout cas renoué avec ses racines. Son père, l’homme de théâtre Antoine Moultaka, est originaire du petit village de Chahrour. Le zajal remonte aux soirées perdues de son enfance, où cette forme poétique se pratiquait, retransmise à la télévision nationale. Tout habité qu’il est par l’impossible synthèse entre l’écriture contemporaine occidentale et les caractères spécifiques de la musique arabe, Zad Moultaka a trouvé ici une forme qui construit, par-delà les cultures et les conflits, une véritable arche d’alliance.


La Vie, Thierry Hilleriteau, septembre 2010


Musicologie.org

Un DVD : « Zajal », opéra arabe de Zad Moultaka. Dans le titre « opéra » et « arabe » me gênent, mais c’est une merveille de théâtre musical et de poésie universelle, pour chanteuse, comédien, petit ensemble d’harmonie, percussionniste, dispositif électronique et vidéo. Avec Fadia Tomb-el Hage, Gabriel Yammine, l’ensemble Ars Nova, sous la direction de Philippe Nahon. Sous-titrages en français. Un extrait dans Youtube : http://tinyurl.com/2wft2el


Création le 22 & 23 avril 2010
à Poitiers TAP scène nationale
Musique, scénographie et mise en scène Zad Moultaka
Livret “Le trésor caché”, retranscription d’une soirée de zajal, Liban 1909.
 In Le diwan du Chahrour,
texte établi par Nabil el Feghali, éd.Joseph D. Raidy, 2000
Prononciation Joseph Abi Daher
Traduction littérale Abbas Torbey
Adaptation poétique Catherine Peillon
avec

Fadia Tomb el-Hage, contralto : le jeune poète
Gabriel Yammine, comédien : le vieux jouteur
ars nova ensemble instrumental : la troupe de zajal
saxophones : Joël Versavaud et Jacques Charles
cor : Patice Petitdidier
trompette : Fabrice Bourgerie
trombone : Patrice Hic
tuba : Philippe Legris
percussions : Isabelle Cornelis
Philippe Nahon : direction musicale

Régie générale et lumières Jérôme Deschamps
Son Xavier Bordelais & Christophe Hauser
Régie plateau Jean-Louis Dardenne
Spatialisation sonore Jérôme Decque (GMEM)
Conception vidéo et montage Zad Moultaka

Acte I Images Nadim Saoma, construction lumière Gilbert Hage
Acte II Images d’archives

Coordination artistique Catherine Peillon

Commande de l’Etat français et d’Ars Nova ensemble instrumental.
Production Ars Nova ensemble instrumental / Coproduction TAP – Scène Nationale (Poitiers) / Gmem, centre national de création musicale / Art Moderne
Avec le soutien de Culturesfrance et de la Spedidam. La SPEDIDAM (Société de Perception et de Distribution des Droits des Artistes-Interprètes de la Musique et de la Danse) est une société qui gère les droits de l’Artiste-Interprète (musicien, choriste ou danseur) en matière d’enregistrement, de diffusion et de réutilisation des œuvres.

• 22 et 23 avril 2010 – 20h30 – création TAP de Poitiers

• 27 avril 2010 – 20h30 – La Coursive La Rochelle

• 30 avril 2010 – 20h30 – Festival Les Musiques Marseille

• 28 mai 2010 – 20h – Hippodrome de Douai

• 8 juin 2010 – Festival Le Printemps de Beyrouth, Fondation Samir Kassir. Beyrouth, Liban

• 21 juillet 2010 – Festival International de Hammamet, Tunisie

• 24 juillet 2010 – Abbaye de Fontevraud. Fontevraud

• 25 septembre 2010 – Festival d’Ile de France Paris

• 13 novembre 2010 – Festival du Monde Arabe, Montréal (Canada) Paris

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