Sigui Concerto pour kora

Sigui Concerto pour kora

20’ – 2023
for orchester

“L’Orchestre Philharmonique de Radio France invites the kora player Ballaké Sissoko, born in Bamako from a family of musician-storytellers synonym of griots or even djelis. This concert will be an opportunity to bring together European strings, American strings and African strings. The loops of Shaker Loops will indeed answer to traditional African music and the creation of a concerto for kora by Zad Moultaka, that embodies the Mediterranean.”

May 6, 2023 World Premiere
Ballake Sissoko et l’Orchestre Philharmonique de Radio France
Auditorium Radio France

Journal La Terrace
https://www.journal-laterrasse.fr/creation-du-concerto-pour-kora-de-zad-moultaka/

“L’Orchestre philharmonique de Radio France, dirigé par l’excellent Gergely Madaras, accueille en soliste Ballaké Sissoko.

Le xxe siècle a été celui de la rencontre des mondes musicaux. Dépassant l’orientalisme qui s’était affirmé au siècle précédent, de nombreux compositeurs puiseront dans une écoute attentive des musiques extra-européennes les ferments de révolutions musicales : nouvelles temporalités, nouvelles couleurs, nouvelles approches instrumentales. Le chemin est aussi parcouru dans l’autre sens. Ballaké Sissoko, maître de la kora, est héritier d’une tradition musicale, celle des griots, mais il explore aussi les possibilités des vingt-et-une cordes de son instrument, en solo (c’est ainsi qu’il ouvrira le concert à la Maison de la Radio) ou avec des musiciens venus d’horizons divers (dont le violoncelliste Vincent Ségal et l’accordéoniste Vincent Peirani).

Révéler le mystère des sons

La rencontre avec Zad Moultaka n’a rien d’étonnant. Le compositeur libanais, qui développe en parallèle une puissante œuvre de plasticien, n’a pas son pareil pour creuser le son jusqu’au silence et jouer du clair-obscur et des densités contrastées. Nourri des traditions musicales des deux bords de la Méditerranée, il n’en fait pas un usage littéral, plutôt l’ébauche de pistes – par le geste, par l’écoute, par l’intériorisation de la musique – pour explorer et révéler le mystère des sons.” Jean-Guillaume Lebrun

Interview RFI

C’est un dialogue dans une langue musicale encore inconnue, entre l’Orchestre Philharmonique de Radio France, le virtuose de la kora Ballaké Sissoko, et l’inspiration du compositeur et plasticien libanais Zad Moultaka. Celui-ci a composé ce concerto exceptionnel, baptisé Sigui, qui laisse place à l’improvisation de la kora. Interview.

RFI Musique : Comment la musique est-elle arrivée dans votre vie ? 
Zad Moultaka : Au Liban, mes parents travaillaient dans le théâtre et ils écoutaient beaucoup de musique, surtout de la musique classique : Beethoven, Mozart. Quand ils montaient une pièce de théâtre, la musique était toujours au cœur du rythme de la pièce. Ils écoutaient aussi de la musique arabe ou méditerranéenne.
A la maison, on avait un piano, des percussions, un violon, et une flûte, je jouais de tout et j’écoutais beaucoup Bach. J’ai commencé à composer très jeune. A 5 ans, avant même de savoir écrire, je composais déjà et je demandais à mon grand-frère de transcrire ! Pendant la guerre au Liban, la musique était devenue un refuge pour moi. Je faisais aussi beaucoup de dessins et de peintures. Ça m’aidait à mieux comprendre ce qui se passait dans le pays, cette solitude m’a permis d’explorer les sons. La guerre nous a finalement obligés à venir en France en 1984, et je suis entré au Conservatoire de Paris. J’ai eu la chance de grandir dans une famille d’artistes parce que pour beaucoup au Liban, musicien, ce n’est pas vraiment un métier et compositeur encore moins ! 

Comment avez-vous eu l’idée de composer ce concerto pour kora ? 
Michel Orier, le directeur de la musique et de la création culturelle à Radio France m’a proposé de travailler avec Ballaké Sissoko. J’aimais déjà beaucoup ses disques et le rencontrer en vrai m’a convaincu de me lancer dans l’aventure ! Il y a quelque chose de très pur, de très enfantin, et en même temps de très érudit dans sa façon d’aborder la musique. Il ne lit pas la musique, il a une approche très orale, et donc moi en tant que compositeur, je devais créer un espace dans lequel on puisse se retrouver et dans lequel il puisse improviser, car l’improvisation est au cœur de son approche musicale. Mais l’idée n’était pas de partir d’un répertoire.

Concrètement, comment écrire pour un orchestre philharmonique et un joueur de kora comme Ballaké ? 
C’est cette difficulté qui m’a passionné : comment créer cette espace de dialogue avec une musique traditionnelle qui a ses énergies et sa structure interne, sans lui coller quelque chose exogène ? Mon idée était de partir des modes traditionnels de la kora en changeant simplement une note sur la première phrase, puis une deuxième et ensuite une troisième, un peu comme si on avait une palette de couleur blanche dans laquelle on mettait juste une goutte de rouge. Ce qui était beau, c’était de voir comment, quand je demandais à Ballaké d’improviser à l’intérieur de ce mode, juste avec ce changement de note, il se retrouvait tout à coup dans un espace tout nouveau pour lui. Il était heureux comme un enfant qui découvre quelque chose, tout en gardant sa liberté absolue de l’improvisation. Du coup, j’ai l’impression que l’on a fait un pas l’un vers l’autre. Chacun se retrouvait dans un espace un peu neuf, y compris l’orchestre ! J’ai poussé le défi en m’inspirant aussi de chants et de traditions arabes et méditerranéennes dans lesquelles les structures rythmiques ne sont pas très stables, il y a toujours une rupture de temps. J’essaie de composer quelque chose qui a l’air stable, mais qui ne l’est pas.
Ces imperfections rythmiques font que l’orchestre joue aussi dans une zone qui n’est pas très confortable. Finalement, même si la forme est assez classique, il y a une dimension très expérimentale. C’est le bonheur de cette création : on est sur le fil dans ce dialogue entre l’orchestre et la kora. 

Pourquoi appeler cette pièce Sigui ?
C’est un rituel qu’on trouve au Mali. Je suis très intéressé par les rituels, parce que c’est là que les gens se retrouvent pour échanger des énergies. Notre Sigui à nous aussi, c’est une cérémonie qui va créer une danse entre tous ces univers qui ne se côtoient pas habituellement, qui va relier le passé, le présent et le futur. On improvise, on crée à l’intérieur de structures anciennes, mais à chaque fois, on crée, on ajoute quelque chose à une partition écrite, tout en restant très ouverts.
Au départ, je me suis demandé ce que je pouvais apporter à une tradition aussi riche et millénaire que celle de la kora ? Finalement, trouver un espace commun de dialogue, c’est ce qui m’a intéressé pour aborder une telle tradition. Je pense qu’aujourd’hui, on a besoin de se tourner vers les traditions. Plus que jamais, dans un monde de plus en plus superficiel, chacun a besoin de se tourner vers des énergies anciennes capables de nous nourrir pour trouver un chemin ancré dans quelque chose de plus profond, dans la connaissance de soi, et des autres, si l’on ne veut pas que notre dimension humaine périsse complètement.

Sigui, concert de Ballaké Sissoko et l’Orchestre Philharmonique de Radio Francedirigé par Gergely Madaras, le 5 mai 2023 à l’Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique, à Paris. Par:  Elodie Maillot

Verified by MonsterInsights