Antar

ANTAR

20′ – 2017
pour ensemble et voix

Antar est le nom d’une épopée aussi célèbre dans le monde arabe que les Mille et une nuits, elle peint les aventures guerrières et amoureuses d’un poète pré-islamique, véhiculées par la tradition orale. Antar a fait crever les yeux de son cruel ennemi, lequel apprend à tirer à l’arc guidé par les sons, la voix, le chant des oiseaux, le vent, les orages…

l’Antar « historique » est un poète du VIe siècle, aux temps de la Jahiliyya, période de «l’ignorance » précédant la révélation de l’Islam. Auteur de sept Mu‘allaqat, les poèmes « suspendus », il est quasiment contemporain du Prophète qui, selon la tradition, considérait qu’il était le seul Bédouin digne d’être connu pour son esprit et son amour chevaleresques, son goût pour l’aventure et la liberté, sa vaillance, son sentiment exalté de l’honneur.

La vie de cet « Arabe errant », guerrier et poète et le mythe qui s’y est attaché ont inspiré une chanson de geste, épopée chevaleresque écrite en prose qui a traversé le temps et le monde arabe à partir du XIIe siècle à l’instar des épopées homériques, des Mille et unes nuits, de l’Erotókritos crétoise ou de la Jérusalem délivrée du Tasse.

Selon le Roman, Antar naît dans une des grandes tribus bédouines, une des premières parmi les nomades de l’Arabie, fils illégitime de l’émir Chaddâd ou Cheddad et d’une esclave noire d’Abyssinie à qui il dût la couleur de sa peau et son surnom de « corbeau des Arabes ». Esclave lui aussi, amoureux de sa cousine Abla, son tempérament intrépide, son raffinement poétique lui permettront, au terme de nombreuses épreuves, de tribulations et d’exploits fabuleux de transgresser sa condition, d’être reconnu par son père, d’épouser sa bien aimée et de suspendre son poème à la Mecque. Il porte alors la guerre aux tribus du désert.
Mais il y croise le féroce Ouezar qu’il soumet. Par deux fois Antar se montre libéral et épargne sa vie. A la troisième récidive, il lui fait crever les yeux. Ouezar, aveugle et plein d’acrimonie, médite sa vengeance en exerçant son oreille « par un long apprentissage à suivre les mouvements des bêtes féroces sur le bruit de leurs pas».

Au bord de l’Euphrate, muni de son arc et de flèches empoisonnées, Ouezar, guidé par la voix d’Antar au sein de l’orage, frappe le guerrier. Croyant avoir manqué sa cible, il meurt littéralement de peur tandis qu’on ramène tristement Antar agonisant au campement.

CP

Un extrait du roman d’Antar, texte arabe, a été publié à Paris en 1841. Une traduction latine de l’ouvrage fut donnée par V.-E. Menil à Leyde en 1816. À la même époque, Terrick Hamilton en traduisit le tiers en anglais sous ce titre : Life and aventures of Antar, a celebrated bedowen… (Londres, 1816). Il a été fait sur cette traduction une version française (anonyme) en 1819. Alphonse de Lamartine a donné des fragments du roman arabe dans son Voyage en Orient (Paris, 1835), notamment l’épisode de la Mort d’Antar, qu’il appelle « un des plus beaux chants lyriques de toutes les langues ». D’autres extraits ont été publiés dans le Journal asiatique par Caussin de Perceval, Cardin de Cardonne (1834, 1837), Cherbonneau (1845) et Dugat (1848, 1853), et dans la Revue algérienne par ce dernier. Enfin, on doit une traduction libre de ce roman à L.-Marcel Devic (1864). © espacefrancais.com

effectif 
soprano & basse, trompette en sib et bugle, saxophone I : alto-sopranino / saxophone II : baryton-alto, contrebasson, qanun, harpe, accordéon, contrebasse

extrait
Lorsque la nuit eut étendu sur la terre ses ombres sinistres, Ouézar dit à son esclave:
– Quittons ce lieu; les voix qui frappent mon oreille me semblent éloignées. Rapproche-toi du fleuve : mon cœur me dit qu’un coup signalé va illustrer à jamais mon nom….

Ouézar choisit la plus acérée de ses flèches, la place sur son arc, et, l’oreille attentive, il attend le moment de la vengeance.

Antar, dans une sécurité profonde, se livrait au plaisir de revoir Abla, sa bien-aimée, après une longue absence. Il oubliait, dans les bras de cette compagne chérie, et ses travaux, et ses dangers, lorsque les hurlements lugubres des chiens, fidèles gardiens du camp, succédant à leurs aboiements prolongés, viennent jeter dans son âme un trouble inconnu. Inquiet, il se lève et sort de sa tente. Le ciel était sombre et plein de nuages. Antar erre quelque temps dans l’obscurité ; il entend de nouveaux aboiements qui lui paraissent venir du rivage du fleuve. Poussé par la fatalité, il s’avance au bord des eaux et, soupçonnant la présence de quelque étranger, il appelle son frère Djérir pour l’envoyer reconnaître l’autre rive. A peine a-t-il élevé sa voix puissante, qui fait retentir les vallons et les montagnes, qu’une flèche l’atteint au côté droit et pénètre dans ses entrailles.
Aucune plainte, aucun gémissement indigne de son courage, ne trahit sa douleur. Il arrache le fer de sa blessure, et s’écrie:
– Ô toi, dont la main perfide s’est guidée sur le son de ma voix pour me frapper dans les ombres de la nuit ; traître, qui n’as pas osé m’attaquer à la clarté du jour, tu n’échapperas pas à ma vengeance, tu ne jouiras pas du fruit de ta perfidie.
Ouézar entend ces paroles, et la crainte s’empare de son cœur. Il croit que sa flèche a mal servi son ressentiment, et, à l’instant, l’idée de la colère d’Antar, l’image des tourments qu’il lui prépare saisissent son esprit d’épouvante; ses forces l’abandonnent, il tombe privé de sentiment.

(…) Abla fait retentir l’air de ses gémissements; elle déchire ses vêtements, arrache ses longs cheveux et se couvre la tête de poussière. Les femmes qui l’entourent imitent sa douleur ; bientôt tout le camp répond à leurs cris plaintifs, et au silence de la nuit succèdent le tumulte et les accents du désespoir…

Traduction Marcel Devic, 1864 © Libretto

d’après un conte traditionnel arabe
Langue chantée : arabe

Création: 25 avril 2017
Lieu: CRR de Paris
par l’ensemble 2e2m & Mezwej, Amel Brahim Djelloul & Andreas Fischer, direction Pierre Roullier

© ŠamaŠ éditions musicales 2017

Verified by MonsterInsights