ŠamaŠ
Soleil Noir Soleil

ŠAMAŠ
SOLEIL NOIR SOLEIL

11’40 – 2018

Pour choeur mixte 32 voix a cappella et electronique

L’artiste, Zad Moultaka

« Au sein de notre civilisation qui se perd sur les rives du matérialisme et se noie à la surface du visible, il est impératif et urgent de questionner le sacré dans le cœur même de l’homme. Le projet du pavillon libanais pour la Biennale de Venise se veut au centre de ce questionnement à travers un dialogue spatial, temporel et sonore entre Ur en Irak, Beyrouth au Liban et Alep en Syrie, lieux de terribles violences passées et actuelles et tout de puissance symbolique du Proche Orient.
Il prendra place dans l’ancien chantier naval civil et militaire de la flotte vénitienne.
ŠamaŠ s’enracine mentalement, physiquement et philosophiquement dans le refus du drame auquel nous assistons dans cette région solaire du monde qu’est le Moyen Orient, berceau des civilisations orientale comme occidentale. L’apocalypse arabe, qui menace de mettre fin à ces civilisations, n’est pas inévitable. Sous les cieux bombardés de Syrie, on peut encore entrevoir l’émergence des premiers codes de lois babyloniens et le désir d’une paix sauvage. L’homme d’aujourd’hui a été arraché au sol, il s’est décroché du ciel. Sourd et aveugle à l’essence des choses, il programme son propre effacement, précipitant avec lui, par angoisse, l’effritement du monde… »

Lamentation sur la ruine d’Ur

Le sang du pays, comme du bronze et du plomb, s’accumule ;
ses morts fondent d’eux-mêmes comme de la graisse au soleil ;
ses hommes qu’anéantit la hache, aucun casque ne les protège ;
comme une gazelle prise au piège, ils s’allongent,
la bouche dans la poussière…
Les mères et les pères qui ne sortent pas de leur maison
sont recouverts par le feu ;
les enfants, couchés dans le giron de leur mère,
comme des poissons sont emportés par les eaux…
Puisse ce désastre être entièrement anéanti !
Comme la grande grille de la nuit,
puisse la porte être refermée sur lui !
Extrait des 11 chants, 2000 av JC

64 haut parleurs diffuseront cette prière ŠamaŠ  Itima (Soleil obscur)
pour chœur mixte 32 voix a cappella & électronique
hymne sumérien au Soleil chanté en akkadien
par le Chœur de l’Université Antonine-Liban
direction Toufic Maatouk
partie électronique signée Zad Moultaka et Gilbert Nouno,
avec la participation active de l’Ircam

Le curateur, Emmanuel Daydé

Hanté par l’idée de lier les deux rives de l’Orient et de l’Occident en une seule voix, Zad Moultaka érige dans l’ancien Arsenal militaire de Venise un monument plastique et musical à ŠamaŠ, le dieu du soleil et de la justice des Babyloniens, représenté sur le Code d’Hammourabi, une haute stèle noire gravée il y a près de 4 000 ans, considérée comme la première table de lois. Qui donc est ŠamaŠ aujourd’hui ? Quel est ce dieu sauvage que nous adorons, qui multiplie les violences aveugles et expédie des millions d’hommes sur les routes du monde ? Quel est ce dieu sinon le dieu du carnage, « le seul qui gouverne sans partage depuis la nuit des temps » ? Pour figurer la loi qui règne et s’impose, Moultaka fait jaillir d’un moteur à réaction Rolls Royce Avon Mk209, relique crépusculaire d’un monde qui s’effondre, la psalmodie de la Lamentation d’Ur, telle une prière adressée par les enfants dans la fournaise à un ossement sacré arraché au dieu du carnage. La destruction de Beyrouth hier, celle d’Alep aujourd’hui – et celle d’une autre ville du Proche-Orient demain -, appelle à nouveau les cris et chuchotements de la plainte d’Ur, que l’on pleurait il y a 4 000 ans devant le mur de la cité dévastée d’Abraham. En faisant chanter un monumental moteur de bombardier « souverain moteur de toute chose », en l’entourant de 32 haut-parleurs tour à tour implorants et menaçants – qui psalmodient dans un fantôme d’akkadien l’antique Hymne à ŠamaŠ -, et en l’adossant à un mur étincelant de 150 000 pièces de monnaie – évocation de la puissance du Veau d’Or -, Zad Moultaka tente de conjurer l’apocalypse arabe prophétisé par la poétesse Etel Adnan. Si l’art ne peut lutter contre l’effritement du monde, il demeure ce lieu où on peut le réinventer : ŠamaŠ est aussi un palindrome, qui oscille de manière égale entre justice et injustice. Seul à éclairer le jour.

Tout tourne autour du soleil, dieu de justice, chez les anciens Babyloniens

« Lorsque tu apparais, Shamash, les peuples se prosternent ;
Tous les gens, de partout, s’inclinent devant Toi !
Tu resplendis dans les ténèbres, et Tu tiens les rênes du Ciel !
Ta gloire a recouvert les monts les plus lointains,
Ton éclat a rempli la face de la Terre !
Ton lever glorieux illumine l’existence des hommes :
Tous se retournent vers Ton éclat merveilleux !
Tel un immense flamboiement, Tu illumines le Monde …
»

ŠamaŠ à Venice
7 Mai20 Novembre 2017
Production: Agence Eva Albarran § Co
avec la participation de l’IRCAM

ŠamaŠ à Beyrouth
Musée Sursock
1 – 25 Juin 2018
Production: Naddi Saddi
avec la participation de l’IRCAM

ŠamaŠ à Suomenlinna
Helsinki
14 Août – 10 Octobre 2018
Production: Naddi Saddi
avec la participation de l’IRCAM

Edition musicale Catherine Peillon

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