La Passion d’Adonis

LA PASSION D’ADONIS

50′ – 2015
musicales et théâtrales

Le noyé aurait-il peur de se mouiller ? (al-Mutanabbî)

Si l’âme de l’homme hésite oscille entre la souffrance et l’ennui, le poète Adonis et le compositeur Zad Moultaka ont choisi leur camp. Mais il s’agit ici d’une souffrance joyeuse et rageuse. Un même enjeu, une même passion les animent : questionner la modernité arabe. Si la violence et langue sont indissociablement liées, il faut s’interroger sur l’origine de cette violence, il faut exhumer les restes encryptés dans les îlots blancs de la mémoire collective. Trouver le lieu d’une modernité qui se nourrit de l’énergie du passé et le transcende.

Des tempêtes sur l’Euphrate,et à Alep
sauvagerie
Glaive byzantin et sang arabe
Glaive arabe et sang byzantin
Jeu
Et les dés sont les têtes

« Le poète chemine dans les ténèbres, seule condition pour le surgissement de la parole poétique ». C’est dans ce noir que nous plonge littéralement le compositeur Zad Moultaka pour rejoindre et ne faire qu’un seul corps avec le poème d’Adonis, guidé par al-Mutanabbî (915-955) dans son exploration de la violence de la langue arabe, comme Dante l’était par Virgile, visitant l’enfer et le paradis.
Zad Moultaka, à travers cette nouvelle expérience radicale, traverse les confins de la langue et de la musique, reconstitue cette nuit humaine avec quatre musiciens et une bande sonore, une bande passante du temps et de la nuit. Pénombre pour accueillir, pour envelopper la parole, une parole qui semble venir de la nuit des temps et en même temps explose dans notre actualité avec une si cruelle acuité.
Où Zad Moultaka se propose de restituer cette parole dans l’espace propre de la musique arabe contemporaine. Instruments orientaux – violon, oud, percussions -, langue, sonorités, accents, hétérophonie. L’entrelacement de la voix profonde et spectrale du poète avec la voix vivante de la chanteuse ou celles des instruments, fait éclore une musique se déployant par un jeu d’apparitions et de disparitions des musiciens sur l’espace scénique. Naît ainsi une polyphonie de l’espace poétique et musical qui incite à une forme de contemplation, un séjour en apnée, un rêve éveillé, plainte, chant de deuil, de veillée et d’amour.
O nuit ! ouvre toi, non comme une tombe

Mais comme un lit
Éloigne-toi, ne reviens jamais
Lorsqu’elle coule dans le fleuve de nos désirs
La beauté
Ne revient jamais

effectif
1 soprano, 1 oud, 1 percussion, 1 violon
grosse caisse, tam, vidéoprojecteur et diffusion sonore

NOTE D’INTENTION

Certaines œuvres musicales naissent dans une profonde douleur. C’est le cas de « traverser” qui n’a trouvé son titre final et juste qu’à la fin de l’écriture ; “La Passion d’Adonis”. Car il s’agit bien d’une Passion dont les souffrances volent librement au-dessus de nos êtres, habillées des mots de cet immense poète et penseur. Profonde douleur car comment et pourquoi mettre en musique cette langue poétique déjà si puissante et si musicale ? Tout objet se rapprochant d’une source lumineuse ne crée que des ombres ! Mais ces ombres se sont éparpillée sur un sentier devenu chemin d’initiation, dans une noirceur qui cache, tel un calice, une lueur prête à surgir. 
La parole d’Adonis est  forte et sans pitié, elle traverse l’espace et le temps en étoile filant(e) vers son horizon noir. L’approcher c’est se brûler.  La seule issue pour la musique, c’est de devenir écrin ; ici le poète est soliste et les musiciens ses fantômes du désert, ces morts qui hantent le poète par leur incapacité de mourir.

C’est à travers l’essai « le fixe et le mouvant » que j’ai rencontré le poète Adonis. Après de longues années de travail et de réflexions sur mon identité et mes origines culturelles arabes et méditerranéennes, cette parole est apparue sur mon chemin d’artiste comme une lueur profonde et puissante. Longtemps j’ai cru me mouvoir dans un désert, questionnant la mémoire, celle d’hier et d’aujourd’hui, me confrontant aux impasses ou entrevoyant des chemins possibles en tant que compositeur mais surtout en tant qu’homme inscrit dans une modernité et une complexité politique et sociologique. La pensée d’Adonis a fait naître en moi une présence inespérée, inattendue car elle résume d’une manière précise, tranchante et fulgurante la problématique arabe actuelle, et donne par conséquent une clef de compréhension inestimable. Mais au-delà de l’aspect historique et philosophique, la pensée d’Adonis est totalement visionnaire. Elle s’inscrit d’une manière juste et si terrifiante dans l’actualité violente du moyen orient. Lorsque je me suis plongé dans la lecture de son recueil de poésie « Al Kitab », j’étais persuadé qu’il s’agissait d’une voix désespérée, refusant l’horreur dans laquelle baigne la Syrie de nos jours. Mais “Al Kitab” a été écrit il y a vingt ans et la voix du poète est « malheureusement » intacte.
Et c’est une voix qu’il faut faire entendre : criée, amplifiée, hurlée, aujourd’hui plus que jamais, face à l’inaction et au confort ambiants, comme un acte de résistance.

Zad Moultaka

Sur des textes et avec la voix d’Adonis extraits de “al-Kitâb” (le livre) Livre II, “hier, le lieu Aujourd’hui”.
(traduction Houria Abdeouahed).
Langue chantée : français

Création : 10 octobre 2015
Lieu : Festival Ile de France, Auditorium Jean-Pierre Miquel de Vincennes 20h30
Par : Ensemble Mezwej
Amel Brahim-Djelloul, chant
Rachid Brahim-Djelloul, violon
Yousef Zayed, oud
Claudio Bettinelli, percussions et claviers

8 octobre 2015, Rencontre avec le poète Adonis, Maison de la Poésie – Scène littéraire, Festival Ile de France

11 mars 2016 GMEM Auditorium des ABD Gaston Defferre, Marseille avec la voix d’Adonis, Amel Brahim Djelloul, ensemble Mezwej

24 mars 2016 Festival Les Détours de Babel, Grenoble avec la voix d’Adonis, Hasnaa Bennani, ensemble Mezwej

21 janvier 2017 Institut du Monde Arabe, Paris avec la voix d’Adonis, Amel Brahim Djelloul, ensemble Mezwej

18 mars 2017 La Comédie de Clermont avec la voix d’Adonis, Hasnaa Bennani, ensemble Mezwej

24 mars 2017 Théâtre de La Spezia (Italie) avec la voix d’Adonis, Amel Brahim Djelloul, ensemble Mezwej

 

Commande : Mezwej

© ŠamaŠ éditions musicales 2015

Lamentazioni – Concerto Soave & Mezwej
BaroquinadeS – le 02 mars 2017 par Jean-Stéphane SOURD DURAND

 

« La Passion d’Adonis », une voix syrienne La Croix, 22 mars 2016, Marie Soyeux
La nouvelle passion des Passions 
Le Figaro, Thierry Hillériteau, 24 mars 2016
La Passion d’Adonis, oratorio pour une Syrie en ruine 
Libération, Frédérique Roussel, 22 mars 2016
A la Spezia, Zad Moultaka apre una finestra sulla notte araba
L’Avvenire, Alessandro Beltrami, 22 mars
Est-ce le texte qui porte la musique ?
L’Orient le Jour, 10 octobre 2015, Zeina Kayali
France Musique Les Lundis de la Contemporaine
2 mai 2016, le reportage de Pierre Rigaudière

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